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[ARTICLE] Faut-il opter pour le Denormandie ?

Publié le 11/03/2020

INVESTISSEMENT IMMOBILIER

Faut-il opter pour le Denormandie ?

RÉNOVER UN LOGEMENT ANCIEN EN MAUVAIS ÉTAT EN CENTRE-VILLE POUR LE LOUER ET BÉNÉFICIER D’UNE RÉDUCTION D’IMPÔT, TEL EST LE BUT DU DISPOSITIF DENORMANDIE. L’AVANTAGE ESTALLÉCHANT EN APPARENCE, MAIS ATTENTION AUX CONTRAINTES.

Depuis janvier 2019, un nouveau dispositif d’investissement locatif est proposé aux particuliers. Il s’agit du « Denormandie », du nom du ministre du Logement. Voté dans la loi de finances pour 2019, il a été complété par un décret et un arrêté parus le 26 mars dernier qui le précisent et le rendent opérationnel. « L’effondrement des immeubles à Marseille fin 2018 a mis en lumière l’importance de rénover les logements insalubres des centres-villes », explique Charly Tournayre, responsable de l’ingénierie patrimoniale chez Thesaurus, conseiller en gestion de patrimoine. Le Denormandie permet ainsi à l’investisseur qui rénove un logement ancien de bénéficier d’une réduction d’impôt de 12 % s’il le loue pendant 6 ans, de 18 % pour une location sur 9 ans, et de 21 % pour une location sur 12 ans.

Le logement doit être loué nu.

Autre impératif : le logement doit se situer dans l’une des 245 communes du programme « Action cœur de ville », ou encore dans des villes ayant signé une opération de revitalisation du territoire (ORT). Il s’agit de villes moyennes qui ont vu leur population quitter le centre pour, le plus souvent, des maisons en périphérie. Les logements laissés vacants se sont dégradés et le centre-ville a perdu ses commerces et son dynamisme. Afin de contrer ce phénomène, « Action coeur de ville » mobilise 5 milliards d’euros sur 5 ans et entend revitaliser les quartiers centraux en développant une nouvelle offre commerciale et n’accompagnant les commerçants dans la transition numérique. Les ORT, quant à elles, donnent des moyens juridiques et fiscaux aux élus locaux pour redynamiser leur centre.

En l’occurrence, le Denormandie concerne des communes aussi diverses que Morlaix, Fontainebleau, Blois, Cahors, Vichy ou Agde. Aucun périmètre particulier n’a été fixé dans les différentes villes : selon le site d’annonces seloger.com, 90 % des logements sont susceptibles d’intégrer le dispositif. L’investisseur a donc l’embarras du choix. Un immeuble des années 1960 qu’il faut rénover pourra tout à fait entrer dans le périmètre, au même titre qu’un immeuble du XIXe siècle, quelle qu’en soit la localisation dans la ville.

 

DES TRAVAUX QUI DOIVENT REPRÉSENTER 25 % DE L’OPÉRATION

L’une des conditions pour bénéficier de l’avantage fiscal est de réaliser des travaux de rénovation importants : ils doivent représenter au moins 25 % du prix du logement acheté. « Pour l’achat d’un logement de 150 000 €, il faut donc réaliser 50 000 € de travaux », précise le ministère du Logement. Si le budget rénovation doit se montrer important, le montant de l’investissement, en revanche, ne doit pas dépasser 300 000 €, et la réduction d’impôt ne peut excéder 63 000 €.

Dans l’hypothèse où l’opération aurait un coût supérieur à ces 300 000 €, il sera possible de bénéficier de l’avantage fiscal, mais seulement pour la partie inférieure au seuil. En revanche, les avis divergent quant à savoir si le plafond de 5 500 €/m2 retenu comme maximum pour le Pinel s’applique aussi au Denormandie. Certains conseillers en gestion de patrimoine préconisent de respecter ce seuil, même si le ministère du Logement semble indiquer qu’il ne s’applique pas.

Cela dit, la très grande majorité des villes éligibles n’atteignent pas un tel prix de vente : les prix se situent généralement entre 1 500 et 3 000 €/m2. Autre contrainte : il n’est pas possible de faire n’importe quels travaux et de s’arrêter par exemple à la rénovation de la salle de bains ou de la cuisine. Le décret et l’arrêté du 26 mars indiquent que le propriétaire doit réaliser un « bouquet de travaux », c’est-à-dire deux types d’interventions parmi cinq propositions : isolation des combles, des fenêtres et/ou des murs donnant sur l’extérieur ; changement du système de chauffage et/ou du système de production d’eau chaude sanitaire. À la place de ce bouquet de travaux, l’investisseur peut aussi choisir d’améliorer les performances thermiques d’ensemble du bâtiment.

Celles-ci doivent permettre une réduction de 30 % de la consommation d’énergie, ou 20 % pour un logement situé dans une copropriété. Cette diminution de la consommation prend en compte l’énergie nécessaire pour le chauffage, la production d’eau chaude sanitaire et le refroidissement.

Le but est de faire sortir le logement de la catégorie « passoire thermique » (étiquettes F et G) : « Si l’investisseur choisit une économie d’énergie globale, il devra faire réaliser un diagnostic de performance énergétique avant les travaux et un autre après, afin de montrer que les critères d’économie d’énergie sont bien atteints », prévient Thomas Lefebvre, directeur scientifique de MeilleursAgents. Les matériaux utilisés doivent également répondre à des critères très précis de performance thermique. Ces critères ressemblent à ceux du crédit d’impôt pour la transition énergétique, et l’administration fiscale peut demander toutes les factures justifiant de leur respect. Ce qui implique de passer par des entreprises, excluant ainsi du dispositif les particuliers qui voudraient réaliser les travaux par leurs propres moyens. Et comme dans le cas du crédit d’impôt pour la transition énergétique, le recours à un artisan RGE (reconnu garant de l’environnement) est indispensable.

D’autres conditions s’appliquent une fois le logement rénové. Car il n’est pas possible de louer à n’importe quel locataire ni à n’importe quel loyer. Les critères sont les mêmes que ceux du Pinel. Ainsi, le locataire ne doit pas percevoir des revenus supérieurs à 29 048 € par an en zone C, c’est-à-dire en zone dite « détendue » du territoire, à laquelle appartiennent la majorité des villes éligibles au Denormandie. Un couple avec deux personnes à charge ne doit pas gagner plus de 54 379 € par an.

Les loyers sont également plafonnés. En zone C, le loyer maximal sera de 8,93 €/m2/mois, en zone B1, de 10,28 €/m2/mois, et il sera de 12,75 €/m2/mois en zone A, bien que celle-ci ne comprenne que peu de villes éligibles au Denormandie. Précision utile : il est possible de louer le logement à des ascendants ou à des descendants dans la mesure où ils respectent les conditions de ressources.

 

RESTE À CONVAINCRE LES INVESTISSEURS

Il est encore trop tôt pour dire si le succès du Denormandie sera au rendez-vous, même si les professionnels de l’immobilier et les élus locaux ont reconnu l’intérêt de la démarche. Le gouvernement a d’ailleurs prévu un budget de 120 millions d’euros pour 2019, montant sans comparaison avec l’enveloppe de 1,7 milliard d’euros mobilisée pour le dispositif Pinel d’investissement locatif dans le neuf. Les objectifs fi xés sont donc plutôt modestes. C’est tout d’abord la ville et ses possibilités que les investisseurs doivent regarder de près.

Une étude du site de la rentabilité d’estimation MeilleursAgents montre que, dans certaines communes, la demande locative n’est pas suffisante. Les contraintes sur les plafonds de ressources limitent le nombre de locataires éligibles, et le plafonnement des loyers amoindrit la rentabilité. Dans d’autres villes, le nombre d’habitants est en diminution année après année, ce qui posera certainement un problème lors de la revente du logement à la fin de la période de location. Il pourrait même arriver que l’investisseur ne soit pas certain de rentrer dans ses frais, car une moins-value grignote l’avantage fiscal.

Des villes considérées comme intéressantes au premier abord s’avèrent finalement trop risquées après une analyse plus fine : c’est notamment le cas de Thiers, d’Autun, de Vichy ou de Carpentras, selon MeilleursAgents. « Tout dépend aussi de la façon dont la ville envisage son développement et sa redynamisation. Avec l’opération Action cœur de ville, certaines veulent vraiment redonner de l’attractivité à leur centre et y mettent des moyens. Et si cela fonctionne, la demande locative repartira et le risque à la revente sera moins grand », explique Johan Coulombez, directeur régional Bourgogne de Quintésens, conseiller en gestion de patrimoine. Pour savoir si la localisation est intéressante, il faut donc regarder attentivement les projets, la population et son évolution, ainsi que le pourcentage de logements vacants. Il est également nécessaire de regarder le prix des loyers.

Connaître la ville, éventuellement y avoir des attaches, est assurément un plus pour évaluer tous ces paramètres. Après avoir choisi la ville, il faut encore faire en sorte de bien choisir le logement lui-même, s’assurer qu’il y ait juste assez de travaux mais pas trop non plus, car un logement insalubre peut facilement devenir un gouffre financier. Le problème se pose en achetant dans une copropriété, car même s’il est possible de bien rénover le logement, la rénovation des parties communes n’est pas du seul ressort de l’investisseur.

Et l’expérience montre que dans les centres-villes en perte de vitesse, de petits immeubles mal entretenus pendant des années peuvent se trouver en très mauvais état, avec des copropriétaires impécunieux ou qui ne souhaitent pas s’engager dans une rénovation. Tout l’avantage promis par un logement peut donc être gommé par ces copropriétés en difficulté.

D’où l’intérêt de se montrer sélectif ou, pour plus de sécurité, d’acheter une petite maison.

UN DISPOSITIF RÉSERVÉAUX INVESTISSEURS AVERTIS

Se lancer dans un investissement de type Denormandie nécessite donc d’analyser de nombreux éléments et de vérifier à chaque étape que les conditions nécessaires à l’obtention de l’avantage fi scal sont bien remplies. Si un seul critère vient à faire défaut, la réduction d’impôt pourra être remise en cause. Cela exclut du dispositif les particuliers qui ne seraient pas particulièrement habitués à ce type d’investissement.

Pour sauter le pas, il faudrait qu’ils puissent s’appuyer sur des opérateurs proposant des opérations clés en main, susceptibles de garantir à l’investisseur qu’il bénéficiera à coup sûr de la réduction d’impôt.

« Pour l’instant, ce type de professionnels n’existe pas, car cela demande beaucoup de connaissances, estime Ulrich Maurel, président du directoire de la Compagnie européenne de crédit. Des connaissances qui concernent aussi bien le marché immobilier local, les dispositifs de défiscalisation, que les travaux de rénovation. » Reste à voir si finalement, en dépit de l’avantage fiscal alléchant, leDenormandie ne va pas rester un outil réservé à un petit nombre d’investisseurs… 

 

Liste des 222 villes éligibles au Denormandie,

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000038273001#LEGISCTA000038281074

 

 

Source de l’article : Que Choisir hors série argent octobre 2019

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